Les fantômes sont des êtres qui débordent et se font entendre
La voix des fantômes, Grégory Delaplace, 2024
Publié le 20 décembre 2025

Vinciane Despret est une philosophe belge, professeure à l’Université de Liège depuis peu à la retraite. Dans Au bonheur des morts (publié en 2015), Vinciane Despret enquête auprès des personnes qui continuent à entretenir des relations avec les morts. Ce qui l’intéresse, c’est d’observer comment les uns et les autres interagissent et se transforment, dans un contexte occidental où les morts n’ont pas ou très peu de place.

Voici les 10 grandes idées que je retiens de son enquête :

2. Les vivants continuent à entretenir des relations avec les morts

2. Les vivants continuent à entretenir des relations avec les morts

C’est ce que Vinciane Despret observe dans son enquête : les vivants se révèlent très inventifs pour maintenir un lien avec des proches disparus : porter leurs chaussures pour qu’ils continuent à arpenter le monde, fêter leur anniversaire, cuisiner leur plat préféré…

Mais tout cela se passe très discrètement : “Les gens cherchent à faire de la place pour les morts, mais dans la sphère parfois plus intime qu'intime"🔗. Ils n'osent souvent pas en parler de peur de passer pour des zinzins. Ces personnes résistent à l'injonction du travail de deuil et permettent aux morts de continuer à vivre, mais d’une autre façon.

Je crois que les morts n'ont jamais disparu. Ils étaient seulement plus discrets, car l'injonction de rationalité était trop forte. Les sciences humaines ont quand même mené pendant tout le XXe siècle une véritable croisade pour la rationalisation : on ne pouvait pas «avoir l'électricité et les esprits dans la même pièce». Aujourd'hui, les morts ne reviennent pas, ils sont juste plus visibles 🔗.



Dans sa série documentaire, Inès Berdugo cherche à “faire son deuil” et pourtant elle ne se résout pas à dire adieu à son père... “Est-ce qu’un jour, j’arrêterai de penser à mon père ? Est-ce que la vie va reprendre son cours, comme avant ?”. Elle comprend au fil de son enquête, avec l’aide d’autres personnes, qu’il ne s’agit pas de “passer à autre chose” ; au contraire, il s’agit d’honorer son “désir de mémoire” selon l’expression employée par Vinciane Despret : se rappeler des choses qu’il aimait, chanter sa chanson préférée (c’est le générique de la série ❤️) et partager tout cela dans un objet audiovisuel qui restera.




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Notes

Toutes les citations dans le texte sont de Vinciane Despret sauf mention contraire.

BM = Vinciane Despret, Au bonheur des morts. Récits de ceux qui restent, La Découverte Poche, 2017.

[1] Cette posture s’explique selon Vinciane Despret par l’influence du rationalisme et la volonté des SHS d’être aussi “sérieuses” que les sciences de la nature.